Joseph Noc, Portrait !
Rencontre avec Joseph Noc, ECAM Lyon 1974
44 ans de carrière dans la charpente métallique et toujours passionné...
Jeune diplômé, pourquoi avoir choisi d’exercer dans le secteur du BTP ?
Le hasard ! Quand je suis sorti de l’ECAM, j’ai fait mon service militaire en tant que secrétaire de l’habillement au 99ème Régiment d’infanterie à Sathonay Camp. Un chauffeur qui m’amenait le linge savait que je sortais de l’ECAM et m’a donc mis en contact avec une personne qui m’a convoqué pour un entretien. Lors de notre discussion, il m’a demandé ce que je voulais faire et je lui ai répondu être intéressé par le bureau d’études et plus particulièrement par la conception. Par ailleurs, j’avais fait différents stages dans le secteur du BTP : chantier, programmation électrique, téléphonie, …
J’ai donc été embauché chez CME (deuxième entreprise de France à l’époque) avant même d’avoir fini l’armée. Voilà comment je suis arrivé dans le BTP & la conception.
La charpente métallique… Pourquoi ce matériau ?
Toujours le hasard… Et une chance phénoménale d’avoir rencontré les bonnes personnes qui m’ont appris le métier. Dès mon arrivée chez CME, je me suis retrouvé dans le clan des « quatre barbus ». Nous étions les quatre calculateurs de l’entreprise et j’ai appris beaucoup grâce à eux. On faisait des plateformes Off-Shore, des conduites forcées, des centrales nucléaires, etc…
Au bout de trois mois j’ai réussi à surprendre le bureau d’étude car je suis arrivé à gagner du poids ; et dans la charpente métallique : Quand tu gagnes du poids, tu gagnes de l’argent.
Tout le monde était sidéré de voir qu’un jeune sortant de l’école puisse être opérationnel immédiatement. Et oui… A l’ECAM, nous avions des cours où on apprenait le calcul des contraintes sur la charpente métallique… ça m’a beaucoup aidé ! Concevoir c’est vraiment ce qui me passionne.
Mes premiers calculs datent du premier chantier que j’ai visité : l’Hôtel de la Courly où j’ai calculé les premières poutres.
Comment as-tu acquis ce savoir-faire très spécifique au-delà des cours de calcul à l’ECAM ? Est-ce que des rencontres t’ont inspiré ce choix ?
Durant mes nombreux stages & cessions de formation au CTICM (Centre Technique et Industriel de la Charpente Métallique) en début de carrière, j’ai pu rencontrer des ingénieurs, dont un qui m’a beaucoup aidé : un ingénieur ICAM Lille. Ancien dessinateur proche de la retraite, il prenait plaisir à m’expliquer durant des après-midi la multitude des mots techniques du bâtiment et les spécificités des systèmes à charpente métallique. Voir qu’un jeune diplômé s’intéressait à son travail le rendait heureux ! A ses côtés, j’en apprenais plus chaque jour et il m’a transmis sa passion.
Ta ou tes plus belle(s) réalisions(s) ?
En 1977, avec des anciens collègues de CME (qui a déposé le bilan), nous avons créé CIMEG, une société de conseil en charpente métallique d’une vingtaine de personnes. Nous avons travaillé sur de très beaux projets comme La Gare de La Part Dieu, Eurexpo et un bâtiment à la Foire de Paris (Porte de Versailles) avec 40 mètres de portée. Nous avions également le marché de tous les Leroy Merlin de France. La méthode que nous avions développée qui nous permettait de faire des calculs en un après-midi (au lieu d’une semaine), nous a permis de remporter de nombreux projets.
En 1987, j’ai quitté CIMEG pour rejoindre d’anciens collègues de chez CME (encore J) qui venaient de créer la société CSC (Charpente Saint Clair) et qui m’ont sollicité pour créer et diriger leur bureau d’études. Avec deux BTS, je m’occupais donc des pré-dimensionnements et des Notes de Calcul et J’ai développé un logiciel de vérification des profilés des structures 2D, grâce entre autres aux polycopiés des cours de résistance des matériaux de l’ECAM (rires).
Lors de mes nombreux déplacements j’ai par ailleurs fait la rencontre du créateur d’un des premiers logiciels 3D de calculs de structure à qui j’ai proposé d’ajouter le module de vérification des calculs spécifique à la charpente métallique (que j’avais précédemment développé en 2D).
C’est ainsi que j’ai créé ma première société, en profession libérale, comme programmeur informaticien afin de développer la spécificité Charpente Métallique sur ce logiciel 3D, aux côtés de son créateur
Et sur la même période, j’ai été appelé par des copains afin de dispenser des cours au Lycée La Mache (Lyon 8ème).
J’avais donc trois boulots en parallèle : CSC, les cours au lycée et mon activité libérale que j’ai continué car Il faut l’avouer, ces logiciels se vendaient comme des petits painsJ. Mes journées étaient donc bien remplies … Et Je travaillais sur mon logiciel jusqu’à tard le soir.
En 1990, j’ai quitté CSC pour rejoindre SOCOTEC (conseil en charpente Métallique) où j’ai travaillé, entres autres, sur le calcul dynamique des balcons de l’Opéra de Lyon, sur « l’oiseau » de l’aéroport de Saint Exupéry (Satolas à l’époque) et sur l’ensemble des tribunes des Jeux Olympiques d'hiver de 1992 à Albertville.
Trois ans après, J’ai monté mon propre bureau d’études (AEN : Acier Etude NOC) où j’ai travaillé seul pendant deux ans avant d’embaucher un de mes meilleurs élèves du Lycée La Mache (toujours présent aujourd’hui). Nous avons été jusqu’à 10 pour mener à bien les nombreux projets qui nous ont été confiés comme le Zénith de Strasbourg pour la maitrise d’œuvre et la cité du Design à Saint Etienne. Côté sport, nous avons réalisé le stadium de Toulouse pour la coupe du monde 98, les loges V.I.P. du stade de Gerland, le tunnel des joueurs du stade de France ; nous avons également pris part à la maitrise d’œuvre du « chaudron » de Saint Etienne, du stade Marcel-Verchère à Bourg en Bresse et celui de Bourgoin-Jallieu … Et encore Beaucoup de stades, des centres commerciaux et tellement d’autres choses … Les passerelles de la Halle Tony Garnier, Le Virgin Megastore, la TNT à Fourvière sur la basilique de Fourvière, la maquette de la fusée Ariane à Kourou, la coiffe de la tour oxygène, le Mc Donald de Gerland, le porte à faux du Zenith de Saint Etienne, la canopée de Balard, …
Que de beaux projets ! Et si tu devais n’en retenir qu’un ? celui dont tu es le plus fier ?
Sans aucun doute, le Zenith de Strasbourg ! C’était la première fois que je travaillais sur projet aussi innovant… Exceptionnel en termes de dimensions et d’architecture (conçue par Massimiliano FUKSAS, architecte Italien très renommé) !
Et ma seconde plus belle réalisation fut la création de mon propre bureau d’études.
Des années en tant que salarié & 2 expériences en tant qu’entrepreneur … Comment devient-on son propre patron ?
Quand vous êtes le seul calculateur de l’entreprise et que vous vous retrouvez sur les chantiers, vous êtes seul à tout négocier et par la force des choses, vous êtes amené à faire le travail d’un entrepreneur… Sans l’être ! Vous connaissez « le job » et vous développez une relation de confiance avec vos partenaires, fournisseurs et vos clients. M’installer à mon compte était donc la suite logique… A condition de ne pas avoir peur de travailler !
Un retraité actif : c’est quoi ?
C’est un retraité qui travaille ! (rires)
De 60 à 65 ans environ j’ai continué à enseigner en donnant des cours à l’Ecole Centrale de Lyon puis à l’IUT de Corte. Suite à mon départ en « retraite », j’ai vendu AEN en 2006 pour finalement créer ma dernière société : JNC (Joseph Noc Conseil) afin d’aider nombreux de mes anciens employés ayant créés leur propre bureau d’études sur le plan commercial et le pré dimensionnement. Je m’arrange toujours pour être là et aider les collègues… Ma retraite est donc plus ou moins « agitée » suivant les périodes.
Le Réseau a eu une importance particulière tout au long de ton parcours. Pour toi, le Réseau ECAM Alumni, c’est quoi ?
Je me suis beaucoup servi du Réseau en sortant de l’école. Je me suis même occupé de la taxe d’apprentissage. Mais ensuite, le travail n’aidant pas pour le temps libre, cela est devenu compliqué de continuer à m’investir de façon conséquente. Avec Jean Michel Joly, J’ai cependant continué à organiser tous les 5 ans nos retrouvailles avec la promo 74… C’était toujours de très bons moments ! Et grâce à l’Association et au Réseau ECAM Alumni, j’ai pu rencontrer les élèves et leur faire visiter les locaux de mon entreprise et montrer mon travail. J’ai également pu orienter des Alumni en recherche d’emploi grâce à mes connaissances & au Réseau que j’ai construit pendant toutes ces années car je suis très attaché à faire embaucher des ECAM.
Et aujourd’hui, quel regard portes-tu sur ton parcours ?
S’il faut recommencer ? Je signe immédiatement !
Mais une chose est sûre, il ne faut pas avoir peur de travailler et être consciencieux, très consciencieux !
L’avantage de la charpente métallique c’est qu’il faut tout connaître : le bardage, la couverture, les fondations pour faire tenir ton bâtiment. Des plans d’architecte à la réalisation du bâtiment, le travail est complet et ta vision doit être globale ! C’est ce que j’aime… Partir de « rien » pour in fine pouvoir admirer le résultat d’un travail d’équipe accompli !
Merci Joseph d'avoir pris le temps de répondre à nos questions malgré ton emploi du temps bien chargé & bonne continuation !
Propos recueillis par Patrice Le Roi